Août 2007, j’ai 24 ans
Soirée d’été entre copines à siroter quelque bière…
Un coup de téléphone de ma sœur qui me dit avec une voix tremblante » on vient te chercher, maman est partie avec le samu, elle a fait un malaise«
Je ferme mon téléphone et pose ma bière fraîche sur la table.
Je prends mes affaires machinalement, et je m’en vais en disant à mes amis « , c’est ma mère, je ne sais pas ce qu’il se passe »
Mon beau-frère me récupère, nous allons rejoindre, mon père et ma sœur à l’hôpital de Toulon là où le samu avait transporté ma maman. Tout le long du trajet, je me rassure en me disant que ce n’est juste qu’un malaise que tout va bien, mais le silence de mon beau-frère en dit long…
Arrivé à l’hôpital, je vois ma sœur en pleure, mon père assit, sur une chaise dans la salle d’attente, les mains posées sur son visage.
Je commence à trembler et je ne tiens plus sur mes jambes, j’écoute ma sœur, qui tente bien que mal à m’expliquer, elle me parle de paralysie, crise épilepsie… Maman est en train de faire un scanner cérébral, on doit attendre le médecin.
S’en suit des minutes et des heures interminables
Mon père est toujours à la même place, il ne bouge pas toujours ses mains sur son visage, il les relâche de temps en temps, comme pour se rassurer qu’on soit toujours là ma sœur et moi.
Le médecin arrive, je sens bien, que ce n’est pas qu’un petit malaise…
Il parle, comme un extra-terrestre, emploi des termes inconnu dans mon vocabulaire, mais je sais bien que c’est grave, que ma maman est dans le coma, qu’elle a fait un AVC (accident vasculaire cérébral).
Il nous dit qu’elle risque de ne pas passer la soirée ! Que même si elle se réveille de son coma, on ne sait pas quelles séquelles elle pourrait avoir. Elle pourrait se réveiller oui, mais n’être plus qu’un légume !
Bordel, je ne suis plus rien, je ne vois plus rien, je n’entends plus rien!
J’ai besoin d’aire, je ne respire plus, je vois mon père effondré, pleurant comme je ne l’ai jamais vue pleurer… J’entends ma sœur au loin dire qu’elle va mourir, qu’elle ne passera pas la nuit!
Je me rappelle crier « NON, elle ne va pas mourir ! » Notre mère est forte et je sais qu’elle se battra pour vivre!
À ce moment-là, je me crois dans un mauvais film, un cauchemar, je vais me réveiller…
Cela arrive chez les autres mais pas chez moi, pas pour ma famille, pas pour ma mère!
Qu’a t’elle fait de mal, pour mériter ça?
On ne peut pas mourir à 57 ans ? Quand on a une hygiène de vie irréprochable, quand on ne fume pas, quand on ne boit pas une goutte d’alcool, quand chaque matin on part courir?
Elle est tellement tout pour moi, tout pour nous.
On est restée, avec ma sœur a ses cotés toute la nuit, on lui parlait, on l’embrassait, on lui tenait la main.
Au milieu des machines et de leurs sonneries, dont je me rappellerai le bruit toute ma vie.
On a prié, on a supplié le Bon Dieu de nous la laisser, de ne pas la prendre avec lui.
Elle s’est réveillée, le lendemain matin, mais tellement mal que les médecins ont préféré la remettre dans un coma artificiel.
Mais elle s’était réveillée!! Je savais qu’elle se battrait, je la connais bien ma mère, elle ne peut pas vivre sans nous.
Au second réveille, les séquelles, on les connaissait maintenant, elle était hémiplégique paralysie du coté gauche.
Elle ne pouvait plus déglutir, elle ne pouvait plus parler, ni respirer seule.
On lui a fait une trachéotomie, c’est un tube dans la gorge, pour qu’elle puisse respirer.
Oui, j’ai vu ma mère comme un légume, avec la langue qui pendait!
Il s’en est suivi de longue, très longue semaine au service réanimation.
Des allers retour pour la voir 1 h par jour!
Mes deux autres sœurs nous ont rejointes, l’une d’Annecy et l’autre de Tahiti 24 h d’avion!
Mais l’essentiel c‘est qu’on soit toutes là pour celle qui nous a donné la vie, celle qui nous a portées, celle qui nous a surélevées, pour qu’on deviennent ces femmes !
L’essentiel, c’est qu’on soit ensemble, qu’on soit assez pour soutenir mon père, qui reprend chaque jour un peu plus d’espoir.
Elle avait les yeux ouverts, et je lui ai montré la photo de ses petits-enfants, ses larmes a commencé à couler! Elle les reconnaissait ! On ne savait pas jusque-là si elle nous reconnaissait.. Si elle avait perdu la mémoire ou si elle avait perdu ses facultés intellectuelles.
Après la réanimation, on lui a enlevé sa trachéotomie, elle a réussi à parler.
Elle est partie 6 mois en rééducation, pour réapprendre à tenir debout, marcher, à manger, à boire!
Elle devait tout réapprendre, chaque geste du quotidien.
C’était long, fatigant pour elle, mais elle a réussi.
2009/10 on ne remarquerai plus qu’elle a eu un AVC, bon elle ne peut plus conduire et elle ne sert pas beaucoup de sa main gauche. Mais ce n’est pas un légume ! C’est ma mère!
Elle a commencé a vivre comme avant, faire des projets, a voyager!
Un jour, d’octobre 2012 la maladie toque encore à sa porte!
Comme si elle n’avait pas assez souffert?
Pour la mettre plus bat que terre!
Pour l’écraser comme une merde !
Comme s’il fallait la finir!
Fatigue, douleur insupportable, diagnostique » la sclérodermie systémique » il y en a deux sortes mais elle bien- sur elle a la plus grave!
La « sclérodermie systémique diffuse » Un lien sur cette maladie auto immune peu connu ici
Vous penserez peut-être que c’est malsain d’en parler ici, moi je pense que c’est malsain de garder cette souffrance pour moi!
Je n’en parle pas, je n’en parle jamais, alors il fallait que ça sorte par un autre moyen! J’avais commencé a en parlé ici.
J’ai failli la perdre en 2007 et j’ai encore peur de la perdre chaque jour aujourd’hui!
Je profite chaque instant avec eux comme dernièrement leurs 45 ans de mariage.
Depuis ce mois d’août 2007, les séquelles sont bien là, pour nous aussi.
Des séquelles qui ne se voient pas à première vue, mais elles sont bien présentes dans nos vies aux quotidiens, elle se lit sur nos visages, sur nos sourires parfois forcés.
En général, les gens sont heureux, dans la mesure où ils décident de l’être !
Mais on ne décide de rien, la vie décide pour nous.
Soit on subit, soit on se relève, une fois.
Mais peut-on se relever deux fois ?
Chris
